Après avoir été un sujet très prisé des journaux à sensation, Johnny HALLYDAY pourrait désormais alimenter les colonnes des périodiques juridiques…
Voilà un sujet sociétal qui fait débat, entre tradition et modernité.
La primauté des liens du sang mise à mal
La tradition plaide pour les liens du sang. Très répandue en pays latin, cette culture du droit du sang a longtemps exclu le conjoint survivant, étranger à la famille, d’une vocation successorale satisfaisante. En droit français des successions, on privilégie les descendants, quelles qu’aient été leurs relations avec le défunt. Les enfants bénéficient de la qualité d’héritier réservataire, dispositif qui les protège de la possibilité d’une exhérédation totale. Le Code civil garantit à ces héritiers-là un minimum intangible, auquel le défunt ne peut porter atteinte. La réserve désigne cette partie du patrimoine dont personne ne peut disposer librement car le législateur considère qu’elle doit être réservée impérativement à certains héritiers, les enfants. Elle constitue un minimum, qui leur est dédié, en toutes circonstances.
Progressivement, cette tradition se voit remise en cause, au profit d’un droit successoral dans lequel chacun pourrait plus librement décider de transmettre son patrimoine suivant son décès, sans être limité par la réserve.
Ce phénomène s’inscrit dans le mouvement général de contractualisation du droit de la famille. Un univers dans lequel l’autonomie de la volonté se voit accorder davantage de place, au détriment des règles instituées par le législateur pour l’ensemble du corps social.
La récente réforme du divorce par consentement mutuel, désormais sans Juge, en constitue l’illustration le plus flagrante. Désormais le divorce n’est plus prononcé par l’institution judiciaire mais convenu entre les époux, au terme d’un contrat pur et simple…
Ce mouvement de libéralisation et d’individualisation du droit de la famille a aussi dernièrement concerné le droit des successions.
Le règlement européen « Successions » du 4 juillet 2012, entré en vigueur le 17 août 2015, a introduit, pour la première fois, la possibilité de faire le choix d’une autre loi que celle ayant vocation à s’appliquer – par principe, la Loi de la dernière résidence habituelle.
Si seule la loi de l’Etat dont la personne dispose de la nationalité peur être choisie, il n’en demeure pas moins que le recours à la professio juris constitue une réelle innovation et la consécration des effets accordés à la volonté individuelle, au détriment de règles générales, dictées par l’autorité publique.
Alors que de nombreux droits européens méconnaissent le mécanisme de la réserve, les hypothèses d’une exclusion de ce mécanisme protecteur ne devraient pas manquer tant la mobilité en Europe constitue une réalité croissante.
Le Droit français des successions lui-même a dernièrement évolué dans le même sens, au travers d’un affaiblissement de l’institution de la réserve…dispositif symbolique et juridique d’importance directement mis à mal dans l’affaire HALLYDAY.
Le testament du chanteur, établi selon le droit californien, accorde à l’épouse l’entièreté du patrimoine, déshéritant par la même les deux premiers enfants du chanteur, David HALLYDAY et Laura SMET.
En Californie, lieu d’établissement du testament du défunt mais également Etat dans lequel Johnny HALLYDAY avait dernièrement fixé son domicile, point de réserve, comme en France.
Au regard du droit de la Californie nulle disposition critiquable.
Mais des garanties pour les plus vulnérables
En France, la dernière jurisprudence de la Cour de cassation tend sans doute à la même conclusion.
En effet, précédemment au décès du chanteur, la plus haute juridiction a eu l’occasion de préciser, par deux arrêts majeurs et inédits, en date du 27 septembre 2017, la valeur à accorder à la réserve, l’une des affaires ayant également trait au monde musical pour concerner la succession de Maurice JARRE, également installé en Californie.
La Cour de cassation a considéré qu’une législation étrangère ne connaissant pas la réserve héréditaire n’est pas en elle-même « contraire à l’ordre public international français. »
Elle autorise, en conséquence, à reconnaître son plein effet au droit étranger bien que ce dernier conduise à déshériter totalement les héritiers réservataires.
Fort heureusement, la Cour de cassation y apporte une limite: la loi étrangère sera écartée si son application concrète, au cas d’espèce, conduit à une situation incompatible « avec les principes du droit français considérés comme essentiels. »
L’un de ces principes se rapporte à l’obligation alimentaire souscrite par chaque parent au profit des enfants. La présence d’enfants, dans une situation économique précaire, dont l’état de besoin est incontestable, devrait faire échec à l’application de la Loi étrangère.
On songe à la présence d’enfants mineurs ou qui, bien que majeurs, par leur handicap, ne pourraient subvenir à leur propres besoins.
Mais il parait douteux qu’une telle exception puisse être valablement invoquée dans le cas des deux premiers enfants de Johnny HALLYDAY…
Il serait donc sans doute question pour ces derniers d’envisager la régularité du testament et la possibilité de l’état de faiblesse de son rédacteur…
Il n’est donc pas exclu que le cas HALLYDAY connaisse encore d’autres développements de la part des juristes de la famille.
Affaiblie dans les héritages présentant une dimension internationale, la réserve l’est aussi dans de situations plus classiques, sans aucun élément d’extranéité, par le dispositif de l’assurance vie qui permet de disposer, dans de très larges proportions, de son patrimoine très au-delà de la quotité disponible.
Avocat au Barreau de LYON, le cabinet de Me Anne GUNTHER vous assiste et vous accompagne également dans le domaine du droit des successions, sur l’ensemble des questions qu’un héritage impose d’envisager.